LE SAMARITAIN

(Traducción al ESPAÑOL en EL SAMARITANO).
Publié dans Apenas unos minutos;
Madrid, Ed. Clara Obligado, 2010).


       Ce soir là, devant son porche, un blousson noir avec un aigle rouge en cuir sur le dos, avait mis pied à terre et une voix râlée telle que la moto qui la portait, l'avait salué:
        - Qu'il fait chaud!, eh?

        Gniiiiiik, gnik, gniiiiiik, gnik... Ça faisait des mois qu'il aurait dû graisser le rocking-chair. Pourtant il aimait ce bruit; il l'accompagnait dans les soirées de cet été là, qui sentait la chair brûlée. Oui, il aurait dû mettre un peu de saindoux de porc sur les clous, mais la paresse était généreuse au milieu de la brume indestructible.
     - Oui, très chaud. En enfer on pourrait être plus au frais!- répliqua le vieil homme en essuyant son front avec un mouchoir.
     - Ça ne m'étonnerait pas. Par une journée telle qu'aujourd´hui!...-, l'étranger sortit une cigarette et l'alluma en frottant une allumette contre sa ceinture-. Savez-vous où pourrais-je faire le plein de Betty?

       Sous l'ombre collante de la chaumine il arrêta son balancement et avec une main il replaça la seule bretelle de sa salopette décolorée. Dans l'autre, il soutenait un verre de whisky. Ébloui, il regarda vers le haut et, comme tous les jours, l'aigle était là, en train de tourner au-dessus de sa tête, en se préparant pour piquer. Il s'adressa à nouveau à l'inconnu:
      - Vous êtes à cinquante-huit miles du prochaine poste d'essence. Peut-être voudriez-vous rester ici pour vivre-, et il rit aux éclats de sa drôle d'idée.
           - Vivre ici? Bah, ça ne serait pas une mauvaise idée... En réalité, je ne vais nulle part.

      L'apparence de cet étranger dégageait une bonté atavique; chacun de ses gestes offraient de la confiance. Un frisson rappela à l'homme âgé une sensation pareille à celle où jadis Dieu le toucha de sa main. Sans hésiter, il avoua:
        - Savez-vous?... Je veux mourir. Mais personne n'ose appuyer sur la cachette de mon fusil. Depuis des années je le demande à toute personne qui passe par ici. Mais tous croient que je suis cinglé.
          - Et tu ne l'es pas?
          - Non.

          L'ombre de l'aigle planait sur le cabanon, en les enveloppant.
        
         Les yeux des deux hommes se rencontrèrent dans le silence poussiéreux. À l'homme en salopette lui sembla voir chez l'inconnu deux pupilles d'aigle. Et il crut comprendre. Soudain, il se leva et se glissa à l'intérieur à la recherche de son arme. Sans se rendre compte, il frappa le verre qu'il était en train de boire et une tache obscure avança sur le plancher en bois.

           L'aigle de l'Ouest revitalisa son vol.

        À son retour, avec une émotion mal dissimulée, il tendit à l'étranger son fusil à canon scié. Il s'assit sur le rocking-chair, il l'orienta vers l'inconnu, il noua définitivement sa seule bretelle et il humecta de salive ses mains pour mettre en arrière les cheveux blancs qui lui restaient. Et il sourit, en clouant ses yeux dans les yeux de cet être là:
           - Loué soit le Seigneur!- s'exclama-t-il dépassé.
          - Aujourd'hui je ne suis pas pressé pour arriver nulle part...- reconnut l'homme en cuir-. Toujours quand je peux, j'aime rendre service aux gens...

           La gratitude se dessina sur le visage du vieil homme, qui attendait immobile, tandis qu'une explosion de poudre à canon retentit dans les sables muets de ce désert perdu. Durant quelques secondes, le grincement du rocking-chair resta en se balançant et, après, son écho s'éteignit. La balle l'avait traversé jusqu'à s'incruster dans une jardinière mauve avec d'exubérants fougères en plastique, des témoins depuis le rebord de la fenêtre.

           L'étranger fit demi tour, il s'assit dans les escaliers du porche et il appuya le fusil fumant contre la balustrade. Il regarda le ciel. Avec ses griffes ouvertes le rapace descendit, majestueuse, jusqu'à se poser sur le sable, devant lui. Et très lentement il replia ses ailes.

        
      


LE SAMARITAIN, por Mª Pilar Álvarez Novalvos.
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